Des ONG africaines, épaulées par des experts venus d’Europe, d’Asie et des États-Unis, dénoncent l’influence de la fast fashion sur un projet de l’ONU relatif à la circularité des textiles. Leur lettre ouverte remise au Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) met en doute la fiabilité des données qui sous-tendent cette initiative mondiale et alerte sur la prise en compte disproportionnée des intérêts des géants de la mode rapide tels que H&M, Zara ou Shein.
En bref :
- Des associations du Ghana, Togo, Kenya et Pakistan questionnent la validité des chiffres fournis pour la définition des flux de vêtements destinés au marché de seconde main versus déchets textiles.
- Un soupçon de partialité plane sur des partenaires du PNUE financés par l’industrie de la fast fashion.
- La montée en puissance des importations de vêtements asiatiques perturbent les circuits traditionnels du marché de l’occasion africain.
- Plus de 120 000 tonnes de vêtements issus de la fast fashion européenne polluent notamment le Ghana, transformé en gigantesque décharge textile.
- Des initiatives à travers le monde alertent sur la nécessité d’une approche durable et transparente pour lutter contre cette crise environnementale et sociale.
Enjeux de la gestion des déchets textiles en Afrique face à la fast fashion
Le projet « Circularity and Trade in Used Textiles » conduit par le PNUE ambitionne de poser des bases réglementaires pour un commerce responsable et durable des textiles usagés. Pourtant, plusieurs associations africaines s’inquiètent du sérieux et de la neutralité des données qui servent de fondement aux orientations politiques envisagées. En effet, les vêtements vendus dans des marchés comme celui de Kantamanto au Ghana subissent l’impact direct d’un afflux massif de produits à bas coût issus de grandes marques telles que H&M ou Zara, déversés en millions de pièces chaque année, ce qui perturbe les circuits traditionnels et pollue les sols et les eaux.

L’impact de la fast fashion sur l’environnement et le marché local
Au Ghana, plus de 120 000 tonnes de déchets textiles européens alimentent des décharges à ciel ouvert. Ces montagnes de vêtements issus de chaînes rapides comme Primark, Shein ou C&A dégradent durablement les écosystèmes locaux. Ce phénomène est exacerbé par le fait que la plupart des textiles jetés sont composés de fibres synthétiques non biodégradables, rendant leur traitement complexe.
Par ailleurs, le marché de la seconde main, qui a longtemps été une source de revenus et d’accès vestimentaire abordable en Afrique, vacille face à cette surcharge. Des structures locales dénoncent la substitution rapide des vêtements occidentaux par des invendus asiatiques et la saturation des systèmes de collecte traditionnels, menaçant la pérennité de ces circuits.
Les critiques sur la méthodologie et l’influence politique dans le projet de l’ONU
La lettre ouverte pointe des risques majeurs liés au partenariat du PNUE avec des entités bénéficiant d’un financement direct de l’industrie de la fast fashion, compromettant ainsi leur impartialité. Jeffren Boakye Abrokwah, président de l’Association ghanéenne des vendeurs de vêtements d’occasion, déplore que le recueil des données ait été biaisé par ces influences, compromettant l’objectivité requise pour une initiative des Nations unies.
Plusieurs experts et organisations s’alarment du poids pris par des acteurs jugés « subordonnés » aux intérêts des géants du textile rapide, ce qui pourrait fausser les mesures prises pour favoriser une économie circulaire véritablement durable.
Des perspectives pour un avenir textile plus responsable
Même si le textile mondial perd près de 500 milliards de dollars chaque année dans le gaspillage, avec 95 % des textiles jetés encore réutilisables, l’attitude critique des pays africains montre la volonté d’une remise en cause profonde et nécessaire. Le contexte actuel impose une refonte des stratégies de collecte, de tri et de valorisation, tenant compte des réalités locales et d’un contrôle accru des flux.
Il s’agit aussi d’interpeller des marques majeures comme Mango, Bershka ou Pull&Bear qui jouent un rôle clé dans la chaîne d’approvisionnement textile mondiale, afin d’adopter des pratiques plus durables et transparentes.












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